POÈME
ò José Emilio Pacheco
Il y a beaucoup à dire pour défendre le fait de se lever le matin tous les jours allumer la radio, lire les journaux, déjeuner
en se demandant
à cette heure précise,
quel monde est celui-ci, avec quoi remplir les heures pour qu'elles tiennent debout quelle action entreprendre même si c'est une illusion
nous éblouissant pour un moment avec quoi balayer les cendres de toutes les craintes
de tous les doutes qui laissent en nous cauchemars et nouvelles et la saveur vide du pain mangé avec voracité ou sans faim
reprendre la partie
initier une fois de plus par un acte quelconque le mouvement des pièces suspectant maintenant comme toujours que nous tomberons dans le piège que le piège est la seule fin possible
avec les pièces dont nous disposons mais de toute façon continuer le jeu
l'entretenir en attendant une hypothétique
relève
qui serait plus malicieuse ou sortir de nouvelles pièces
de sa poche
faire peu de gestes certes mais si héroïques et
peut être si inutiles comme déplier une fois de plus le journal
pendant que nous prenons lentement, à gorgées, la première tasse de café